La mouche D. suzukii fait des ravages grâce à son odorat

Au grand dam des producteurs de fruits rouges, Drosophila suzukii pond ses œufs dans les fruits mûrs et non dans ceux qui pourrissent. Une équipe franco-allemande vient d’expliquer le comportement de ce ravageur.

La mouche Drosophila suzukii adore les fruits à maturité. Au contraire des 3000 autres espèces de drosophiles décrites par la science, celle-ci ne se reproduit pas dans les fruits pourrissants, même si elle s’en nourrit. Un comportement étrange : la chair d’un fruit mûr contient certes des sucres mais sont indemnes des bactéries et des levures qui fournissent à l’insecte et à ses larves les protéines nécessaires à leur développement.

En s’attaquant à tout type de fruit rouge au moment de les commercialiser, la mouche énerve les arboriculteurs. Lesquels ne peuvent que constater une progression fulgurante contre laquelle ils n’ont aujourd’hui aucun outil de lutte. Originaire d’Asie, D. suzukii n’a été repérée dans le sud de la France qu’en 2008 seulement. Depuis, elle a envahi toute l’Europe. Il lui a fallu à peine moins de temps pour conquérir tous les États-Unis. Ce minuscule diptère de 3 millimètres de long est certes très prolifique. Une femelle pond 400 œufs tout au long de ses deux mois de vie et 13 générations peuvent se succéder au cours d’une année. Mais son succès invasif tient certainement aussi au fait qu’elle n’a pas de concurrence dans l’exploitation des fruits mûrs comme nurserie.

Un odorat qui a muté au cours des 5 derniers millions d’années

Une équipe franco-allemande vient cependant de donner une explication aux mécanismes utilisés par le ravageur dans Current biology. “Nos travaux montrent que D. suzukii, qui a divergé des autres drosophiles il y a au moins cinq millions d’années, est devenue plus stimulée à pondre en réponse aux odeurs de fruits mûrs qu’à celles des fruits en décomposition”, explique Benjamin Prud’homme, directeur de recherche du CNRS à l’Institut de biologie du développement de Marseille et l’un des auteurs de l’article. Les insectes choisissent leur site de ponte sur trois critères. Le premier est celui de la mécano-sensation : l’animal doit être capable de passer la peau qui protège la chair convoitée. La seconde est celle de la gustation : le goût doit plaire. La dernière est celle de l’olfaction. “La capacité à détecter certaines odeurs (des fruits mûrs), ou à les interpréter, a changé chez D. suzukii”, poursuit Benjamin Prud’homme. Cette espèce a ensuite acquis secondairement un organe de ponte plus solide et dentelé que celui des autres espèces de mouches, capable de percer la peau des fruits mûrs.

Pour tester le rôle de l’olfaction dans le comportement de ponte, les chercheurs ont muté une molécule clé impliquée dans la perception des odeurs chez les drosophiles. D. suzukii possède une soixantaine de récepteurs olfactifs qui fonctionnent tous avec un co-récepteur générique baptisé Orco. Grâce à la technologie d’édition génomique CRISPR/Cas9, qui permet de couper l’ADN de façon ciblée, les chercheurs ont pu produire des mouches mutantes pour le gène Orco, inactivant ainsi son co-récepteur. “Les mouches n’ont alors plus été attirées par les fruits mûrs, ni stimulées à pondre par leurs odeurs”, expose Benjamin Prud’homme.

L’étape suivante va consister à déterminer quelles molécules odorantes stimulent la ponte des mouches. Pas une mince affaire. Ces essences volatiles comprennent des centaines de composés différents parmi lesquels il va falloir déterminer quels sont les assemblages les plus attractifs. À plus ou moins long terme, il sera possible alors d’élaborer des pièges à drosophiles ou de fabriquer des extraits à pulvériser sur les fruits mûrs.

Source : sciencesetavenir.fr

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