On a délaissé le marché européen…car on a cherché la facilité, ElHassane Chikhi responsable technique Agrumar Souss

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Après quelques semaines du début de la compagne agrumicole, le conditionnement des clémentines, qui ont subi un  déverdissage, dégagent des taux d’écart élevés, malgré les efforts importants déployés à tous les niveaux. Afin d’en savoir plus, nous avons interviewé M. El Hassane Chikhi le responsable technique de la Coopérative Agrumar Souss.

Hortitechnews: On parle de taux d’écart élevés chez la clémentine déverdie, malgré que les producteurs aient pris beaucoup de précautions, quels sont ces taux d’écarts et quelles en sont les causes ?

ElHassane Chikhi: Oui les taux d’écart de la clémentine déverdie sont assez élevés. Bien entendu ça diffère d’un lot à un autre et d’une station à une autre, mais des taux d’écart dépassant les 60% sont fréquents. D’après les chiffres de l’EACCE, les principales causes de ces écarts sont : les défauts de coloration et présentation : 58%, défaillance de maturité interne (généralement Brix) : 26%, les marbrures (7%)…etc.

HTN: Pourquoi ce taux élevé de défaut de coloration ?

E. Chikhi: Le déverdissage nécessite beaucoup de délicatesse. Ainsi, lors de la récolte, par exemple, on ne doit récolter que les fruits de l’extérieur. En plus, les fruits doivent avoir une couleur “vert filtrant“. Mais les ouvriers ne respectent pas toujours ces consignes. Aussi les nouveaux clones, comme Nuless et Orogrande, ne répondent pas bien au déverdissage alors qu’avec Bruno et la clémentine cadoux le problème ne se pose pas beaucoup. Ajoutons à ceci l’effet du porte greffe Macrophylla qui aggrave un peu la situation.


HTN: Justement, parlons du porte greffe Macrophylla, avec l’instauration de la mesure du Brix accompagné d’un sérieux, sans précédent, contrôle de l’EACCE, certains producteurs commencent à vraiment regretter ce choix, quel est votre avis sur ce porte greffe?

E. Chkihi: Le Macrophylla est un porte greffe qui a des points forts et des points faibles, comme tout autre porte greffe. Pour estomper ses points faibles il nécessite une conduite technique spécifique. Afin d’éviter les problèmes que vous avez cité et d’autres comme la production de fruits de calibres trop gros pour être exportés et la rugosité de la peau. Par exemple :

– Gestion de la fertilisation : éviter les apports excessifs et tardifs de l’azote…

– Taille : une taille adéquate permettant d’avoir le nombre de fruits optimum pour avoir des calibres adéquats et éviter la peau rugueuse.

– Irrigation : limitez les quantités d’eau apportées en Juillet, Août et septembre.

C’est un porte greffe pour les zones arides, il donne de bons résultats dans conditions difficiles ; C’est un porte greffe à ne pas trop choyer comme les autres.

HTN: Au Maroc, une grande majorité des nouvelles plantations sont sur ce porte-greffe Volkameriana, n’est ce pas là une erreur ?

E. Chikhi: tout à fait d’accord. De ma part, j’ai toujours conseillé aux agriculteurs de ne pas utiliser un seul porte greffe et une même variété dans leurs vergers pour plusieurs raisons : risques par rapport aux climats, échelonnement des récoltes et des rentrées d’argent, logistique…etc. Mais, l’utilisation du Macrophylla au Gharb par exemple est un mauvais choix à mon avis. Car s’il pleut abondement, comme c’est souvent le cas dans cette région, le fruit n’est plus exportable car gorgé d’eau donc très fade et ne se supportera plus le transport et la conservation.

HTN: Certains producteurs commencent à regretter la disparition de la SASMA qui apportait tout de même de précieux conseils pratiques aux agriculteurs, vous partagez leur point de vue ?

E. Chikhi : Tout à fait, étant moi même un ancien de la SASMA, je me rappelle qu’on disait dans le temps, que le remplaçant du Bigaradier ne peut être est le Citrange carizo… Le vide est évident et chaque producteur fait ses propres essais et constatations dans son coin. Pour compenser ce vide on a réactivé le comité technique de l’ASPAM section Souss qui organise des journées et des séminaires de formation et de sensibilisation aux profits des responsables techniques et gérants des vergers d’agrumes. Mais la disparition de cet organisme est une grande perte certes.

HTN: Depuis plusieurs années, notre production d’agrumes n’a cessé de progresser pour dépasser les 2 millions de tonnes actuellement mais nos exportations ne dépasse pas les 600 milles tonnes depuis le temps de l’OCE, quelle est la cause à votre avis ?

E. Chikhi: On n’a pas diversifié nos marchés. Nous sommes restés cantonné sur nos marchés classiques, ainsi on n’a pas pu percer sur les marchés chinois, japonais ou celui du moyen orient. Pire, on a délaissé le marché européen… car on a cherché la facilité. On a préféré envoyer la marchandise vers la Russie qui était très peu exigeante à ce temps là. Mais actuellement, il est devenu le plus exigeant.

C’est surtout la Maroc Late qui a vu son tonnage à l’export baissé considérablement à cause d’une concurrence rude de la part de l’Egypte et la Turquie, mais aussi par ce que les agriculteurs préfèrent parfois la vendre au marché intérieur pour des raisons de prix plus intéressants. Mais on doit décider ce qu’on veut, soit orienter notre marchandise vers le marché local soit à l’exportation. ..

HTN: Les producteurs font beaucoup d’efforts afin de répondre aux exigences. Le suivi et le traitement de cératite intensifs, coût de la récolte élevée et surtout les taux d’écarts élevés aura un effet d’augmenter le coût de revient, pensez vous que la vente de la clémentine sera encore rentable ? Surtout que d’ici peu le marché local risque d’être envahi par les écarts de triage et les prix chuteront?

E. chikhi: L’objectif essentiel, pour le moment, est de garder la position du Maroc sur les marchés extérieurs. Ceci n’est possible qu’avec la bonne qualité des fruits. Certes, certains producteurs et certaines stations risquent de disparaitre s’ils ne peuvent ou ne veulent pas se mettre à niveau. Depuis les années 80 plusieurs opérateurs dans le secteur ont disparu et d’autres ont vu le jour avec plus de dynamisme et de sérieux et c’est ça l’évolution et le développement.

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