Comment lutter contre le virus de la mosaïque du pépino dans les tomates sous-serres ?

Le virus de la mosaïque du pépino (VMPép) a été découvert au Pérou en 1974 sur le pépino (Solanum muricatum), un fruit comestible communément appelé « melon-poire ». En 1999, la maladie a été découverte pour la première fois à l’extérieur de l’Amérique du Sud, dans des cultures de tomates de serre aux Pays–Bas. Par la suite, on a signalé sa présence dans des cultures de tomates de serre dans plusieurs autres pays d’Europe ainsi qu’en Amérique du Nord. Toutefois, des épreuves ont démontré que le VMPép découvert en Europe est différent du VMPép original signalé au Pérou, lequel ne s’accompagne d’aucun symptôme sur les tomates.

Fourchette d’hôtes

À ce jour, la tomate est, à l’état naturel, le seul hôte connu de l’isolat européen du VMPép. L’infection d’autres cultures de la famille des solanacées, comme l’aubergine, le tabac et la pomme de terre, n’est attribuable qu’à l’inoculation artificielle effectuée dans le cadre d’études. Les épreuves d’inoculation au Royaume–Uni ont produit des symptômes de la mosaïque sur les feuilles des variétés de pommes de terre Maris Peer, Pentland Dell et Charlotte. Il n’a pas encore été démontré que le virus pouvait infecter d’autres espèces de solanacées, dont le poivron. D’autres épreuves ont révélé que le concombre peut être artificiellement infecté, mais la maladie ne semble pas se propager de façon systémique dans le plant.

Symptômes

L’expérience vécue aux Pays-Bas indique que les symptômes sont plus faciles à voir l’automne et l’hiver lorsque les températures et les niveaux de luminosité sont faibles. Pendant les mois bénéficiant de températures plus douces et d’une plus forte luminosité, il arrive que des plants plus âgés abritent le virus, sans toutefois présenter de symptômes. Ceux-ci apparaissent habituellement de 2 à 3 semaines après l’infection et ont tendance à se propager le long du rang. Les plants atteints affichent un arrêt de croissance au point végétatif (figure 1) ou des dommages qui rappellent ceux qui sont causés par les herbicides hormonaux (figure 2). Les feuilles de la partie supérieure du plant présentent des taches sombres (figure 3), tandis que celles de la partie inférieure peuvent comporter des lésions brunes, nécrotiques (figures 4and 5) qui font penser aux dommages causés par l’eau lorsque celle-ci dégoutte sur les plants (figure 6). Les feuilles peuvent aussi comporter une ou plusieurs taches jaunes (figure 7) qui, avec le temps, forment des plaques jaune vif (figures 8 and 9). Des stries brunes peuvent apparaître sur les tiges (figure 10) et les cerner complètement près des points végétatifs; le même phénomène peut être observé sur les tiges florales (figure 11). Ce brunissement risque de nuire aux fleurs en croissance et de provoquer leur avortement (figure 12). Le calice des fruits en croissance peut aussi brunir (figure 13).

Comme on l’a dit plus haut, il arrive par contre que les feuilles et les fruits infectés ne présentent aucun symptôme. Des symptômes peuvent aussi être visibles sur quelques fruits ou feuilles sans qu’aucun autre symptôme ne se manifeste par la suite. Les symptômes constatés sur les fruits infectés sont décrits comme étant une « marbrure », d’ordinaire plus facile à voir sur les variétés de tomates rouges à bifteck. On n’a pas d’information claire sur la façon dont le VMPép se répercute sur la qualité du fruit. Les symptômes varient selon les variétés de tomates, mais il ne semble pas y avoir de corrélation entre la variété et la sensibilité au virus.

Figure 1. Arrêt de croissance d’un plant de tomate au niveau du point végétatif.

Figure 2. Difformité semblable à celle que pourrait avoir causé un herbicide hormonal.

Figure 3. Taches sombres sur les jeunes feuilles à proximité du point végétatif.

Figure 4. Taches nécrotiques sur les feuilles inférieures.

Figure 5. Taches semblables à des brûlures sur les feuilles inférieures.

 Figure 6. Dommages semblables à ceux causés par l’eau lorsque celle-ci dégoutte sur le plant.

Figure 7. Tache jaune vif sur une feuille.

Figure 7. Tache jaune vif sur une feuille.

Figure 8. Nombre accru de taches jaunes sur les feuilles inférieures.

Figure 9. Plaques jaune vif sur les feuilles entièrement déployées.

Figure 10. Stries brunes liégeuses sur la tige.

Figure 11. Brunissement des inflorescences et des tiges près du point végétatif.

Figure 12. Brunissement et avortement des fleurs

Figure 13. Brunissement partiel du calice sur les fruits en croissance.

Transmission du VMPép

Le VMPép transmet une maladie très contagieuse qui se propage facilement par des moyens mécaniques, à la faveur d’outils, de chaussures, de vêtements, de mains contaminés et des contacts entre les plants. Les travailleurs agricoles peuvent propager le virus simplement en frôlant les plants atteints. Des scientifiques au Royaume-Uni ont pu trouver le virus dans les racines des plants, et des travailleurs hollandais ont pu infecter des plants avec du lixiviat contaminé. On croit que le virus reste viable dans les matières végétales séchées pendant une durée allant jusqu’à 3 mois. À 18-21 °C, le virus demeure virulent pendant plus de 90 jours. Les vêtements portés dans une culture infectée restent infectieux pendant au moins 14 jours. Dans des débris organiques humides gardés à 10 °C, le virus reste stable et pourrait apparemment propager l’infection pendant une période relativement longue.

Les essais effectués à l’aide d’une forte densité de bourdons ont débouché sur la propagation du VMPép dans la culture. Toutefois, le risque de propagation du virus par la pollinisation manuelle peut être plus grand. Le virus peut être transmis par des greffes ou le prélèvement de gourmands des plantes-mères. On explique la propagation du virus sur de longues distances par plusieurs facteurs, dont la sève dans les fruits et les semences contaminées. Même si le VMPép péruvien original n’était pas transmis par les semences, l’expérience vécue en Europe laisse croire que le virus peut, quoique dans une faible mesure, être transmis par les semences ou, éventuellement, par un contaminant des semences. Il faudra encore étudier plus à fond les modes de propagation de cette maladie.

Mesures de lutte

Il est important de prévenir l’introduction de la maladie en utilisant de la semence et des plants qui en sont exempts. Pour minimiser l’introduction et la propagation du VMPép, il est essentiel de veiller à l’hygiène la plus stricte à toutes les étapes de la production et de respecter un protocole de nettoyage en profondeur entre les cultures.

Pendant la culture

Plants de repiquage
  • Veiller à utiliser de la semence propre. Inactiver tout virus pouvant se trouver sur le tégument en faisant tremper les semences dans une solution titrant 1 % de phosphate trisodique (TSP) pendant 45 minutes, puis en les faisant tremper dans une solution titrant 0,5 % d’hypochlorite de sodium pendant 30 minutes. Brasser les semences durant le traitement, puis les rincer en changeant l’eau plusieurs fois.
  • Observer attentivement toutes les plantules au moins chaque semaine à la recherche de symptômes. Avant de répartir ou de repiquer les plantules dans la serre principale, faire un dépistage du virus en soumettant les plantules à un laboratoire de diagnostic ou en utilisant une trousse de diagnostic expressément conçue pour le dépistage du VMPép.
  • Éviter, dans la mesure du possible, d’affecter des travailleurs à la fois aux installations où sont produites les plantules et aux serres de culture. Si cela est impossible, s’assurer qu’ils travaillent d’abord dans les serres de production des plantules, puis dans les serres de culture.
  • Veiller à ce que tous les travailleurs qui pénètrent dans la serre où sont produites les plantules portent des vêtements propres, des survêtements de protection neufs ou désinfectés, ainsi que des bottes et des gants neufs ou désinfectés.
  • Installer un pédiluve à chaque porte d’entrée de la zone de production des plantules et obliger tout le monde à l’utiliser. Installer aussi un tapis désinfectant pour le matériel roulant.
  • Veiller à ce que les pédiluves et tapis désinfectants soient en tout temps remplis de solution désinfectante fraîche.

Surveillance des cultures

La surveillance périodique et une inspection rigoureuse de la culture à la recherche de symptômes est absolument nécessaire pour qui veut s’assurer du dépistage précoce de la maladie et accroître ainsi ses chances de l’enrayer. Toutes les plantes suspectes doivent être immédiatement soumises au diagnostic d’un expert.

Mesures à prendre dès que la maladie est détectée
  • Interdire d’accès et marquer le ou les rangs dans lesquels les plants infectés ont été trouvés.
  • Revêtir un survêtement de protection, des bottes et des gants et entrer dans le rang en prenant garde, ce faisant, de ne pas frôler les plants.
  • Enlever le ou les plants présentant des symptômes en veillant à ce qu’ils n’entrent pas en contact avec les plants adjacents, et les déposer dans un sac à ordure résistant.
  • Enlever par précaution de 3 à 6 plants (le minimum recommandé en Europe est de 20 plants) de part et d’autre des plants affichant des symptômes et les placer délicatement dans des sacs à ordure.
  • Sortir du rang en faisant bien attention de ne pas frôler d’autres plants.
  • Garder les plants dans les sacs à ordure en veillant à ce que ceux–ci ne soient pas perforés.
  • Brûler ou enfouir profondément le matériel infecté ou l’apporter immédiatement au site d’enfouissement. Ne jamais se débarrasser de matériel infecté en le laissant dans une décharge à ciel ouvert ou en l’étendant dans un champ pour qu’il soit incorporé au sol.
  • Idéalement, remplacer le substrat et les attaches là où se trouvaient les plants infectés, et remplacer ou désinfecter les piquets du système d’irrigation goutte à goutte.
Visiteurs
  • nstaller un pédiluve rempli d’une solution désinfectante fraîche à chaque porte d’entrée pour assurer la désinfection des chaussures.
  • Installer des distributrices de désinfectant à un endroit stratégique à chaque porte d’entrée pour que les visiteurs puissent se désinfecter les mains.
  • Revêtir des bottes et des gants jetables ainsi que des survêtements de protection.
  • Rester dans les allées et ne pas pénétrer dans les aires de culture.
  • Au moment de quitter, déposer les bottes et les gants dans un bac spécialement prévu à cette fin.
  • S’assurer que les survêtements de protection sont lavés avant d’être utilisés à nouveau.
  • Empêcher les animaux de compagnie de circuler dans les aires de culture.
  • Si le virus est détecté dans la culture, mettre tous les visiteurs au courant de sa présence et de la facilité avec laquelle il peut être transmis, afin d’éviter les risques de propagation de la maladie.
Travailleurs
  • Affecter les travailleurs à des sections particulières de la serre et identifier le matériel (survêtements de protection, outils, voiturettes, etc.) qui appartiennent à ces sections, afin de minimiser les risques de transfert du virus d’une section à l’autre. Si la maladie est détectée, il est particulièrement important d’identifier le matériel qui est utilisé dans les zones infectées. À tout le moins, identifier les bottes ou chaussures et survêtements de protection appartenant à chaque zone séparée du reste de la serre par des cloisons comme on en voit dans les grosses exploitations.
  • Toujours travailler dans les zones infectées en dernier, puis quitter la serre. Se doucher et changer complètement de vêtements avant de retourner la même journée dans les aires non infectées.
  • Plonger les outils et les mains gantées dans du lait écrémé non dilué ou dans un bain de désinfectant virucide avant de passer d’un plant à l’autre. S’assurer que le lait écrémé renferme au moins 3,5 % de protéines et le remplacer par du lait frais sitôt qu’il commence à surir ou à cailler.
  • Si l’on utilise des couteaux, utiliser un couteau différent pour chaque rang et continuer à le désinfecter ou à le plonger dans le lait écrémé entre chaque plant.
  • Au sortir de la serre, jeter convenablement bottes et gants jetables, déposer chaussures et bottes à l’endroit indiqué en vue de leur désinfection et mettre les survêtements de protection au point de cueillette en vue de leur lavage et de leur désinfection.
  • S’assurer que tous les travailleurs connaissent les symptômes de la maladie et les prévenir d’avertir la direction sitôt qu’ils en découvrent les premiers signes.
  • Demander aux travailleurs de ne pas manger de tomates sur place pour éviter que, par inadvertance, des fruits infectés soient manipulés ou éliminés sans les précautions voulues.
Caisses, voiturettes et emballages
  • Installer des tapis désinfectants à chacune des portes d’entrée des voiturettes et des chariots élévateurs.
  • Empêcher les véhicules et caisses utilisés dans les zones infectées d’être utilisés dans les zones saines.
  • Ne pas déplacer les voiturettes ni les caisses des zones infectées vers les zones saines.
  • Laver à pression, nettoyer et désinfecter toutes les voiturettes et les caisses à la fin de la journée.
  • Ne pas partager de voiturettes, de caisses, de boîtes, etc. avec d’autres exploitations.
  • Ne jamais réemballer de tomates qui ont été cultivées ailleurs, sur un site où sont également cultivées des tomates, sous peine d’augmenter considérablement les risques de transmission du virus à la culture en production.
  • Éliminer toutes les tomates de rebut de la même manière que les plants infectés, c.-à-d. en les enfouissant ou en les apportant immédiatement à un site d’enfouissement.
  • Faire en sorte, dans la mesure du possible, que les travailleurs en poste dans les aires d’emballage ne travaillent pas également dans les aires de culture. Si cela n’est pas possible, demander aux travailleurs de toujours se désinfecter les mains, de porter des gants, de revêtir un survêtement de protection et de désinfecter leurs chaussures avant d’entrer dans une aire de culture.
Pratiques culturales
  • Ne pas jeter par terre ni laisser au sol des débris de végétaux provenant de l’effeuillage et de l’ébourgeonnage des plants. Se débarrasser des débris de végétaux en les enlevant de la serre, en les brûlant, en les enfouissant ou en les apportant à un site d’enfouissement.
  • Veiller à bien désinfecter l’eau d’irrigation et l’eau de recirculation.
  • Ne pas laisser de tas de détritus dans la serre ni à proximité de la serre. Les débris risqueraient d’être poussés par la vent à l’intérieur de la serre ou d’y être transportés par les semelles des souliers ou les pneus.
  • Ne pas garder de plantes ornementales, de plantes de maison, ni d’autres végétaux à l’intérieur de la serre, car ceux–ci risqueraient de servir d’hôtes au virus.

Nettoyage entre les cultures

Structure
  • Enlever, entre autres, tous les débris de culture et les attaches.
  • Mettre dans des sacs et éliminer immédiatement les débris de culture infectés par le virus. Les sacs qui coulent ou qui laissent échapper des tissus infectés risquent de provoquer de nouvelles infections.
  • Brûler ou enfouir profondément les matières infectées ou les apporter sur-le-champ à un site d’enfouissement. Ne jamais se débarrasser de matériel infecté en le laissant dans une décharge à ciel ouvert ou en l’étendant dans un champ pour qu’il soit incorporé au sol.
  • Laver à pression toute la structure, avec ou sans détergent (les détergents aident à enlever les pellicules grasses), en prêtant une attention particulière aux tuyaux d’irrigation par aspersion, afin, notamment, de déloger les débris accumulés.
  • Éviter que de la saleté ne soit éclaboussée sur la structure.
  • Travailler de préférence de l’arrière de la serre vers l’avant.
  • Désinfecter la structure en mouillant les surfaces sèches à l’aide d’un désinfectant virucide. Éviter d’utiliser des composés à base d’ammonium quaternaire dans les structures de verre, car ces produits peuvent marquer le verre.
  • En général, utiliser les désinfectants aux propriétés virucides à des concentrations plus fortes et les laisser agir pendant au moins plusieurs minutes pour s’assurer de la destruction des virus.
  • Opter de préférence pour des planchers de ciment, car ils peuvent être lavés facilement.
Système d’irrigation
  • Remplacer ou nettoyer et désinfecter les tuyaux du système d’irrigation goutte à goutte.
  • Pour nettoyer les tuyaux, remplir le système d’irrigation avec de l’acide (pH de 1,5 à 20) et laisser agir pendant 24 heures afin de débarrasser les tuyaux des dépôts incrustés. Rincer par la suite à l’eau claire.
  • Rincer les tuyaux et réservoirs avec un désinfectant plusieurs fois sur une période de 24 heures. Rincer par la suite à l’eau claire.
  • Remplacer ou désinfecter par trempage dans une solution désinfectante les piquets du système d’irrigation goutte à goutte. Utiliser une solution contenant 10 % d’eau de Javel domestique pendant 24 heures, ou une solution titrant 10 % de TSP (voir première note de bas de page) pendant 30 minutes pour dénaturer la fraction protéinique des virus. L’inactivation des virus par le TSP se fait plus rapidement au fur et à mesure que la température s’accroît. La pulvérisation du désinfectant sur les piquets du système d’irrigation goutte à goutte n’est pas suffisamment efficace. Rincer par la suite à l’eau claire.
Outils et matériel
  • Laver à pression et désinfecter tous les outils et tout le matériel utilisés dans la serre, y compris les chariots élévateurs et les tracteurs.

Faire tremper les petits outils pendant une trentaine de minutes dans une solution de TSP titrant 10 %.

Source : omafra.gov.on.ca

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *