« Les fortes chaleurs ont affecté gravement les Navels et la Nova », Hicham Sabri (Coop. Zaouia)

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La région de sous massa Draa a connu des fortes chaleurs au cours du mois de mai, plusieurs cultures ont été touchées notamment les agrumes. M.Hicham Sabri responsable de l’encadrement technique des domaines de la Coopérative Zaouia nous a délivré son point de vue.

Hortitechnews : Les chaleurs du mois de juin étaient critiques sur les agrumes, surtout, dans la  région de Souss où 47°C a été atteinte, vous confirmez ceci ?  Avez-vous une idée sur l’impact en termes de pertes de rendement dues aux chutes excessives des fruits ?

Hicham SABRI : Tout d’abord il faudra déterminer le sens exact de la chute, les gens n’ont pas la même perception des choses. Pour moi, on ne peut pas commencer à parler d’une chute excessive si l’arbre maintient son potentiel productif. Cette année on a fait le départ avec un nombre de fruits très important, vues les basses températures de l’hiver, qui ont induits une importante floraison. Les hautes températures qui ont sévi au cours du mois de mai n’ont fait qu’accélérer le processus de chute, qui normalement se faisait sur presque tout le mois de juin et qui a été réduit à deux ou trois jours.

La chute n’est pas causée seulement par les fortes chaleurs mais par la combinaison de plusieurs facteurs : les fortes températures, diminution de l’humidité relative de l’air (qui a atteint les 5% dans quelques zones), le niveau nutritionnel de l’arbre, la taille, l’irrigation … tout le processus de conduite technique est aussi important et déterminant. Les crises successives qu’a connu le secteur agrumicole sur les trois dernières années à pousser les agriculteurs à faire beaucoup d’économies, notamment sur la fertilisation, la taille et la protection phytosanitaire, ceci a affaibli les arbres et les a rendus sensibles à tout aléa climatique. L’arbre est comme l’être humain, il a un système immunitaire qui peut être faible ou fort en fonction de plusieurs paramètres, mais une fois affaiblit l’organisme devient susceptible d’être touché par tout type de stress.

Il faut noter également l’importance des variétés, portes greffes et des microclimats.

A mon avis les paramètres qui peuvent influencer la gravité de cette chute sont principalement :

– Le niveau foliaire d’azote sans oublier, bien sûr, le rôle des autres éléments nutritifs, mais l’azote reste le plus déterminant. les arbres qui ont commencé la campagne avec un niveau d’azote optimal (supérieur à 2,3 %) ont pu surmonter l’effet de ces températures élevées.

–  La taille : Les arbres bien taillés ont été également plus résistants, grâce au nouveau bois qui permet une circulation plus facile de la sève.

C’est tout un ensemble de paramètres qui doivent être bien gérer et maitriser depuis le début de la campagne pour pouvoir assurer un arbre en bon état, un fruit avec une haute qualité et un rendement optimal.

Dans l’ensemble, on peut dire que la situation est très hétérogène à part pour quelques variétés sensibles qui ont connues une chute sévère notamment la Nova, les Navels (Lane late, Thomson, Washington …) excepté la Navel Newhall qui n’a pas été gravement touchée. Les pourcentages de ces chutes sont difficilement estimés vu qu’il y a une grande hétérogénéité d’une zone à l’autre, dans le même domaine et parfois dans la même parcelle.

En général, pour les pertes de rendement c’est encore tôt pour faire des estimations, d’ici le mois de septembre on aura une vision claire sur la situation générale.

Hortitechnews : Ces canicules accompagnées des vents chergui semblent devenir de plus en plus structurelles, les agrumiculteurs marocains sont-ils, techniquement, armés pour faire face à ce fléau ?

Hicham SABRI : On peut dire que certains d’entre eux le sont, malheureusement le reste ne l’est pas. L’historique des canicules au niveau de la région montre que ce phénomène devient plus fréquent (dernière canicule en 2012) et coïncide avec le stade très sensible du développement des agrumes qui est la nouaison. Cependant, il faut se préparer à une augmentation de cette fréquence qui risque de devenir  annuelle (que dieu nous préserve). Ce n’est qu’avec ce changement que les producteurs ont donné de l’importance à ce volet.

Comme j’ai déjà cité, le choix des porte-greffes est déterminant et les producteurs ont actuellement tendance à choisir des porte-greffes vigoureux. Ces derniers procurent, en plus de la résistance aux fortes chaleurs, une certaine précocité et un bon calibre pour les fruits. C’est vrai que ces portes greffes nécessitent une conduite spécifique mais le résultat final est meilleur. En plus du choix des portes greffes, la gestion nutritionnelle est aussi importante, donc  les agriculteurs doivent lui accorder plus d’importance.

En absence de centres de recherche qui peuvent accompagner les producteurs dans cette mission, on remarque un effort considérable fournit par la profession pour la gestion technique, notamment par l’ASPAM, qui effectue plusieurs formations avec des thématiques d’actualité pour l’ensemble des producteurs.

Hortitechnews : Que pouvez-vous leur conseiller afin de faire face à ce phénomène aussi bien à court qu’à long terme ?

Hicham SABRI : A moyen terme, il faut une bonne conduite technique des vergers afin de les préparer pour la campagne prochaine. Mais, c’est surtout au long terme qu’on peut réagir. Tout d’abord il faut bien appuyer le volet recherche pour pouvoir tracer un itinéraire technique pour chaque combinaison variété/porte-greffe.

Il faudra également faire une certaine « comptabilité analytique » de chaque parcelle (variété/porte-greffe/sol/climat…), l’historique d’environ 5 ans pourra donner une idée sur la situation et la rentabilité de chaque parcelle. Il y a des producteurs qui sont perdant sur des parcelles de leurs vergers et gagnant sur d’autres, mais en absence de cette analyse on continue de garder toujours les parcelles pénalisantes.   

L’encadrement technique est aussi crucial, on voit largement une grande différence entre les domaines des grands producteurs et les producteurs regroupés en coopérative, qui sont encadrés par des techniciens agronomes compétents et les petits producteurs qui ne bénéficient d’aucun encadrement technique. Je recommande aux agriculteurs de se regrouper en coopératives et agrégations pour assurer leurs continuités.

Hortitechnews : Y’a-t- il une assurance qui couvre cet aléa ?

Hicham SABRI : Oui c’est vrai, un programme d’assurance a été lancé l’année dernière pour les producteurs, mais  ils ne sont pas tous souscrits. Le concept de l’assurance n’est pas vraiment entré dans les habitudes des agrumiculteurs marocains, ça viendra peut-être avec le temps …

Pour finir, je vois que le secteur est en voie de restructuration à tous les niveaux. Il y a une volonté d’amélioration de la part de tout le monde : ministère, établissement étatique  (ONSSA, EACCE…), profession (MAROC CITRUS), sociétés d’agrofourniture (qui essaient de s’adapter aux nouveautés du secteur) jusqu’aux techniciens dans les domaines. On assiste à plusieurs contacts et visites entre les responsables des vergers pour l’échange d’expériences, à la création des groupes de discussion et d’échange sur  WhatsApp même … ce sont de bons signes pour le développement de secteur.

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