Le bio au Maroc : quels enjeux à la veille de la COP22

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Le secteur agricole est particulièrement sensible aux impacts du changement climatique. C’est la raison pour laquelle les sols et l’agriculture bio constituent des éléments essentiels du débat actuel sur la façon de faire face à ces problèmes.

Le Maroc, pays organisateur de la COP22, s’est lancé dans la filière de l’agriculture biologique comme l’une des stratégies à soutenir dans le sens du respect de l’environnement et pour permettre aux acteurs de la chaîne de valeur du secteur agricole de générer une valeur ajoutée sur le marché intérieur et extérieur. En effet, l’agriculture moderne, telle qu’elle est pratiquée dans le monde, pose de nombreux problèmes.

Dans le sol, les pesticides provoquent un appauvrissement continu de la terre et ne se dégradent que très lentement. La perte de terre arable -la couche de surface qui peut être labourée et cultivée- peut ainsi atteindre jusqu’à 40 tonnes par hectare chaque année. Les vers de terre et les micro-organismes disparaissent au fur et à mesure. Ceci est d’autant plus inquiétant que la dégradation des pesticides dans le sol peut prendre plusieurs centaines d’années. Et d’après les recherches récentes dans les pays agricoles avancés, on trouve des résidus de pesticides dans plus de 90% des eaux superficielles et dans plus de 60% des eaux souterraines et dans les océans, avec les rejets chimiques, les sols érodés… Le fameux Institut de la Terre de l’Université de Columbia à New York a aussi démontré que les composés azotés des pesticides se mélangeaient à l’air pollué par l’industrie pour former des particules solides. Dans une publication qui a fait beaucoup de bruit, l’institut a aussi mis en évidence que l’ammoniac, sous-produit des pesticides et déchets animaux, se combinait à la poussière et au sable du Sahara pour créer des particules solides. Les recherches sont en train de converger sur les causes probables du taux croissant de maladies respiratoires.

Selon la FAO, l’agriculture est un des secteurs qui contribue le plus au réchauffement climatique

La gestion des sols est un autre gros problème. Le principal constituant du sol en matière organique est le carbone (environ 58%). Le sol est en effet l’un des plus grands réservoirs de carbone de la planète : 615 milliards de tonnes dans les 20 premiers cm, 2344 milliards de tonnes jusqu’à une profondeur de 3 mètres. Les experts considèrent que ce stock a considérablement diminué au cours du XXe siècle en raison de l’intensification de l’agriculture, de la généralisation des labours profonds dans les régions qui pratiquent l’agriculture industrielle, de la transformation de centaines de millions d’hectares de prairies en terres cultivées et bien sûr à cause de la déforestation.

Tout au long du XXe siècle, l’agriculture «moderne» a eu une contribution dramatique aux émissions de CO². Elle a également poursuivi inlassablement l’appauvrissement du sol en matière organique. Elle a aussi minimisée le rôle de l’agriculteur, alors qu’il est un acteur majeur de la production de biomasse végétale et est en interaction permanente avec la nature.

Selon la FAO (2014), l’agriculture est un des secteurs qui contribue le plus au réchauffement climatique avec environ 24% des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle mondiale. Les pays du Sud et le Nord ne sont pas égaux. Les premiers émettent principalement du méthane (élevage, gestion des déchets et culture du riz) et les seconds surtout du protoxyde d’azote (engrais, gestion des déjections…).

Dans le Plan Maroc Vert (PMV), le Maroc, en mettant en avant ces dernières années l’agriculture durable, a donné des signaux encourageants et pourrait se positionner au mieux pour produire un maximum de biomasse, optimiser sa gestion dans la phase de consommation, assurer un recyclage optimum et stocker un maximum de carbone. Dans ce cadre, de plus en plus de voix s’élèvent pour promouvoir l’agriculture biologique et l’agro-écologie.

Importance de l’agriculture bio dans le débat sur les changements climatiques

Le secteur de l’agriculture est donc particulièrement sensible aux impacts du changement climatique et de la variabilité du climat. C’est la raison pour laquelle les sols et l’agriculture bio constituent des éléments essentiels du débat actuel sur la façon de lutter contre le changement climatique. Les sols sains peuvent jouer un rôle important dans l’atténuation des changements climatiques en stockant et séquestrant le carbone et en réduisant les émissions de GES dans l’atmosphère.

Si les sols sont mal gérés ou cultivés au moyen de pratiques agricoles non durables, le carbone qui y est présent est libéré dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de carbone. Les conversions croissantes des prairies et forêts en terres cultivées et en pâturages a provoqué des pertes historiques en carbone dans les sols du monde entier. En effet, les experts savent aujourd’hui que la réaffectation des terres et drainage des sols organiques vers l’agriculture conventionnelle est responsable  d’environ 10% de l’ensemble des émissions des GES.

Le bio par rapport au conventionnel dans le réchauffement climatique

Les émissions de GES par hectare occasionnées par l’agriculture bio sont par contre beaucoup moins importantes. L’agriculture bio, parce qu’elle contient davantage de matière organique et permet aux sols de mieux vivre, entraîne ainsi une meilleure séquestration du carbone. Les multiples expérimentations de terrain dans différents pays montrent que la fertilisation bio présente plusieurs atouts : elle augmente de façon non négligeable le carbone biologique du sol, accentue la séquestration de CO² de l’atmosphère dans le sol, maximise les performances en ressources renouvelables et en durabilité des ressources et optimise le flux de nutriments et d’énergie dans les agro écosystèmes.

Certains experts affirment aujourd’hui que le bio réduirait les dépenses énergétiques de 25 à 50% par rapport à l’agriculture conventionnelle. En restaurant les sols dégradés et en adoptant des pratiques de gestion durable telles que la rotation des cultures, le zéro labour ou semis direct, l’agriculture de conservation, l’agro-écologie et l’agroforesterie, il serait donc possible de réduire les émissions de GES provenant de l’agriculture, d’améliorer la séquestration du carbone et de renforcer la résilience aux changements climatiques. Chaque acteur doit donc jouer sa partition : du consommateur au décideur politique, sachant que, peu ou prou, personne n’aura la possibilité d’être indifférent aux changements climatiques et que le temps ne joue pas en faveur de la non-décision ! Toute démarche devra être juste, efficiente et rapide.

 

Source : lavieeco.com

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