Agrumes: Le verger malmené par le manque de pluie

C’est le premier record réalisé depuis la signature du contrat programme en 2010. Un volume qui représente la moitié de l’objectif de la convention dont l’échéance est fixée à la campagne 2018-2019

La campagne d’exportation d’agrumes s’annonce précoce d’une quinzaine de jours  par rapport à la précédente. A la fin d’octobre dernier, les expéditions ont porté sur 50.000 tonnes contre  25.000 réalisées durant la saison 2016-2017. Un volume constitué essentiellement de clémentines. Mais les producteurs ne s’attendent pas au «record de 650.000 tonnes» de la campagne passée.

Avec toutefois, une perte estimée à 3,5% de la production globale, soit plus de 80.000 tonnes. Ils comptent capitaliser sur la qualité des fruits. Si, la qualité est  au rendez-vous. D’où l’incertitude quant aux quantités qui seront exportées. Pour le moment, aucune visibilité n’est encore permise. C’est pour la 4e campagne consécutive que le Ministère de l’Agriculture  ne publie  pas les données de l’enquête agrumicole. Selon les estimations de l’Association des Producteurs d’Agrumes du Maroc (Aspam), la production devrait baisser de 15 à 20% en comparaison avec celle de la saison 2016-2017 qui avait atteint 2,336 millions de tonnes.

En cause, le manque de pluies et l’excès des chaleurs enregistrées lors de l’été et durant une bonne partie de l’automne.  Des températures assez élevées ayant été enregistrées durant 4 mois successifs. Ce qui s’est traduit par un ralentissement du développement du calibre des fruits. Surtout dans la région de l’Oriental  qui se trouve affectée pour la 2e année consécutive. La campagne passée, cette région réputée pour sa clémentine labellisée, ainsi que celle de Marrakech avaient subi de gros dégâts, à tel point qu’elles ont été déclarées «sinistrées» par les professionnels.

Il n’empêche que la campagne 2016-2017 s’est soldée par un export record jamais réalisé depuis la signature du contrat programme il y a huit ans: 650.000 tonnes. Un niveau qui représente à peine la moitié de l’objectif du contrat conclu avec l’Etat qui table sur 1,2 à 1,3 million de tonnes à l’échéance 2018-2019 pour une production  de l’ordre de 2,9 millions de tonnes. Le tout, moyennant un investissement de 9 milliards de DH dont 3 milliards à la charge de l’Etat.

Or si l’objectif de production s’avère réalisable à terme, vu le rythme des nouvelles plantations, celui de l’export s’éloigne de plus en plus. Surtout, que le  déséquilibre des variétés d’agrumes ne cesse de se creuser. Actuellement, les petits fruits l’emportent largement sur les oranges. Ce qui réduit drastiquement la durée de la campagne des exportations qui se situe  tout au plus à 5 mois au lieu de 8 à 9 mois par le passé.

La production s’est distinguée par une croissance soutenue avec de légers fléchissements selon les conditions climatiques. L’évolution tient beaucoup plus à l’accélération des nouvelles plantations dont l’objectif a été dépassé de 25% à 125 hectares

Et pour cause! Le mauvais départ pris par l’interprofession pour le déploiement du contrat-programme. Alors que les plantations ont pris le régime turbo, les autres composantes de la filière affichent divers dysfonctionnements. La part exportable stagne autour de 25% de la production avec une chute tendancielle de la recette du producteur. Panne sèche également de la transformation qui fait appel de plus en plus à l’import pour son approvisionnement.

Et la logistique, en particulier l’emballage et le conditionnement, bien qu’elle tourne à moins de 40% de sa capacité, affiche des insuffisances, voire une absence dans certaines régions. Pourtant, tout le monde s’accorde pour constater que «des efforts importants ont été réalisés en ce qui concerne les plantations». Surtout l’extension du verger agrumicole. Depuis la signature du contrat-programme, la superficie a augmenté de 47% à 125.000 ha.

En revanche, le renouvellement des vieilles plantations s’est caractérisé par un retard inexplicable.  A peine 3.000 ha ont été régénérés sur les 30.000 prévus. Toutefois, «des avancées ont été franchies ces trois dernières années, suite à l’activation du Comité de coordination des agrumes et au déploiement du plan triennal de redressement mis en place par la profession». Ces progrès peuvent être appréciés,  d’abord, à travers le rééquilibrage des marchés. Lors de la campagne écoulée, le marché russe a reculé de 3 points pour ne représenter que 35% de l’export total des agrumes. Celui de l’Union européenne en a gagné 2 à 43% alors que le débouché nord-américain se stabilise aux alentours de 18%.

Au niveau de l’exploitation du volume export, l’interprofession a mis en place des critères d’ordre qualitatif pour mieux réguler les sorties: profil du calibrage, coloration, tenue des fruits, gustativité… Sur le terrain, l’accompagnement des petits producteurs se fait en ce qui concerne les paramètres d’une production de qualité.

Sur les 3 dernières années, un rééquilibrage des marchés a été opéré. L’Union européenne a gagné 2 points de part de marché au détriment de la Russie

«Menées par les techniciens de l’interprofession, ces actions portent sur la taille des arbres, l’irrigation, la fertilisation et la traçabilité», révèle le Secrétaire général de l’Aspam. Même l’encouragement de la cueillette sélective fait partie des actions d’amélioration de la qualité. Dorénavant, le paiement de la prestation du conditionnement s’effectue sur la base du tout-venant au lieu des volumes dégagés à l’exportation. Aussi, les producteurs sont-ils tenus de livrer aux stations de conditionnement des marchandises comportant le moins possible d’écarts de triage.

Au-delà, la gestion du marché local préoccupe le plus les  agrumiculteurs.  Ceci, selon ses deux composantes, la consommation de bouche et la transformation. Or, à ce titre, aucune visibilité n’est permise. Au niveau des marchés de gros, les producteurs se disent ignorer les volumes réels transitant par ces plateformes ainsi que les prix pratiqués. «Alors que les données du site du Ministère de l’Agriculture (Asaar) sont déconnectées de la réalité. L’information fait également défaut pour ce qui est de l’industrie de jus. La seule certitude tient à l’import de l’équivalent de 120.000 tonnes d’agrumes sous forme de jus et concentrés.

Pour cerner la situation, la profession vient de lancer une étude sur les circuits de distribution. L’objectif est de pénétrer la grande surface via des produits emballés et distingués par des marques et des prix fixés. Une manière d’atténuer l’impact des intermédiaires dans l’attente de la réforme des marchés de gros qui tarde à se concrétiser. Et l’enjeu est de taille. Le marché local absorberait les 2/3 de la production globale. Avec une grande distorsion entre les prix réglés aux producteurs et ceux supportés par les consommateurs, les agrumiculteurs estiment le rapport de 1 à 5. Tout l’écart profiterait aux intermédiaires.

Source : leconomiste.com

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