Agrumes : « Nous n’allons pas atteindre les objectifs du plan Maroc Vert » M.ElHassane Chikhi responsable technique de la coopérative Agrumar Souss

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Après deux années successives jugées catastrophiques pour le secteur agrumicole au Maroc, la campagne 2015-2016 s’annonce bien, au moins pour les clémentines qui ont démarré il y a un peu plus qu’un mois. Afin d’avoir plus d’informations sur le déroulement de cette campagne nous avons rencontré pour vous M.ElHassane Chikhi  responsable technique de la coopérative  Agrumar Souss. 

HortiTecNews : D’après les premiers échos, la campagne agrumicole actuelle se déroule bien, à quoi est dû ce retournement positif pour ce secteur qui a tant souffert durant les 2 dernières campagnes ?

ElHassane Chikhi : En tout elle est nettement meilleure que l’année passée. Ceci a été possible grâce à une meilleure qualité des clémentines. En effet, les fruits répondent mieux au déverdissage et les autres paramètres qualitatifs sont optimums. Les écarts de triage sont plus faibles que l’année passée de 10 à 20%.  En plus la demande pour la clémentine marocaine est plus importante.

HTN : pourquoi le marché est-il plus demandeur ?

E.Chikhi : Car la production espagnole est faible et la clémentine chez le concurrent turque est de mauvaise qualité. De plus, il semble que l’Afrique du Sud a arrêté ses exportations vers l’UE plutôt que d’habitude, afin d’éviter d’autres  interceptions des fruits qui portent des symptômes de la tache noire des agrumes.  En outre, grâce aux efforts fournis la campagne passée, qui visaient à n’exporter que la qualité et rien que la qualité, l’image de la clémentine marocaine s’est rétablie et les consommateurs commencent à la réclamer.

HTN : Pourquoi la clémentine de cette campagne est de meilleure qualité par rapport aux campagnes précédentes?

E. Chikhi : l’effort technique et les conditions climatiques ont permis d’avoir une meilleure qualité. De même le tonnage est relativement faible ce qui favorise aussi d’avoir une bonne qualité aussi organoleptique que visuelle.   

HTN : nous avons compris que vous évitez un petit peu le marché russe, est-ce vrai, si oui pourquoi ?

E. Chikhi : le marché russe avait et a toujours une grande importance pour nos exportations agrumicoles dépassant les 60% du tonnage exporté, toutefois il est devenu un marché à grand risque suite à la dévaluation du rouble et à cause des exigences en matière de lutte contre la cératite. Pour cela, la profession a décidé de diversifier les marchés de destination et de diminuer les quantités destinées à la Russie. En outre, nous devons rationnaliser le tonnage envoyé vers ce marché pour éviter une chute des prix. Des efforts sont fournis pour se repositionner sur le marché européen qu’on avait “abandonné“ par le passé.

Nous cherchons, aussi,  à renforcer notre position sur le marché américain. D’année en année nous augmentons notre part de marché là bas. Nous avons une demande importante de la part des canadiens. La clémentine marocaine a regagné la confiance des clients sur ce marché.

HTN : À votre avis, quelle part devrions nous réserver au marché russe ?

Si nous arrivons à réduire les quantités exportées vers la Russie de 5% pour atteindre un tonnage de 30% de nos exportations vers cette destination avec de bon prix et de meilleures garanties ça serait une bonne chose.

Il faut savoir qu’il y a des marchés prometteurs, comme celui du moyen orient, principalement les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, où nous avons déjà vendu la campagne précédente et où nous comptons vendre de plus en plus.  Il y  avait un problème de logistique, qui est actuellement résolu puisque nous avons une ligne maritime directe depuis Tanger vers cette destination.

Le marché de l’Afrique sub-saharienne est aussi prometteur, il peut absorber des quantités importantes, mais il y a encore un handicap de logistique. Nous avons besoins d’une ligne maritime directe vers cette destination aussi. Les livraisons vers ce marché (par voie terrestre) sont réalisées d’une manière informelle . Nous avons besoins de plus de transparence et de garantie pour pouvoir profiter de ce marché. 

D’autres marchés, méritent d’être développé, comme les marchés chinois et japonais. Malgré l’éloignement et la contrainte phytosanitaire liée à la cératite, nous devons faire encore plus d’efforts pour les conquérir.

HTN : Est-ce que le secteur agrumicole va réaliser les objectifs du Plan Maroc Vert  en termes d’exportations, soit 1,4 millions de tonnes en 2018?

E. Chikhi : 2018 c’est pour bientôt alors que jusqu’à présent nous n’avons pas pu dépasser le cap de 600 milles tonnes d’export, alors que notre production dépasse les 2 millions de tonnes. Pour atteindre cet objectif nous devons chercher d’autres débouchés.

HTN : Mais, à part les débouchés, n’y a-t-il pas d’autres facteurs limitant, comme la logistique ou la capacité du conditionnement par exemple ?

E. Chikhi : tout à fait d’accord, la capacité du conditionnement reste faible par rapport au tonnage produit sur une courte période. La capacité de conditionnement au niveau national est très faible  alors que beaucoup d’efforts sont fait au niveau de la production : plantation de nouvelles variétés avec de fortes densités, des portes greffes vigoureux et précoces… et dans toutes les régions du Maroc. Mais la logistique et la commercialisation ne suivent pas. Je ne pense pas que nous ayons suffisamment de camions, de caisses, de chambres frigorifiques (et/ou de déverdissage) et de conditionnement pour atteindre les objectifs du Plan Maroc Vert. La question qui se pose, si nous nous investissons dans la logistique et la capacité de conditionnement, nos marchés traditionnels seraient-ils capables d’absorber tout ce tonnage ? Ce n’est pas sûr. Pour pouvoir développer le secteur agrumicole, nous devons tout d’abord diversifier encore nos marchés. À titre d’exemple, l’Afrique du Sud exploite 66 mille hectares, exporte 1,8 millions de tonnes vers 67 pays, alors que le Maroc qui a une superficie de plus de 120 mille hectares, n’exporte que 600 mille tonnes vers, à peine, une dizaine de destinations.

Puisque nous exportons peu, un grand tonnage est vendu sur le marché local, ceci engendre de faible prix de vente. Même si au détail les prix atteignent 5 à 6 DH le kilo,  le producteur vend la clémentine au meilleur des cas à 2 DH le kilo. Ceci profite bien entendu aux intermédiaires. Mais, il y a aussi de grandes pertes, car le produit n’est pas bien soigné lors du stockage, du transport et de la commercialisation. Ce n’est pas facile d’organiser le marché local mais nous devons faire des efforts pour l’améliorer.              

(Première partie)

 

 

 

 

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